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Structure spatiale, fonctionnement et dynamique d'un écosytème de savane

La structure spatiale des écosystèmes et son évolution au cours du temps influencent potentiellement leurs caractéristiques fonctionnelles (productivité primaire, évapotranspiration...). D'autre part, il existe des liens mutiples et complexes entre biodiversité et struture spatiale des écosystèmes. Ainsi, une meilleure compréhension du fonctionnement des écosystèmes nécessite à terme de mieux appréhender les problèmes d'échelle et de structuration spatiale, de l'échelle locale à l'échelle régionale. Plusieurs approches sont conduites dans ce sens.

Des études sont conduites sur les effets à différentes échelles spatiales des structures résultant de l'activité des termites et de la croissance des plantes sur les processus du sols, le cycle des éléments et le fonctionnement des écosystèmes de savane. Les recherches sur les termites ont pour but de relier la diversité des espèces (qualifiées d'ingénieurs de l'écosystème) à la diversité des structures construites à différentes échelles, depuis le tube digestif de l'animal jusqu'à l'intégration des effets sur le profil de sol comme au niveau de la parcelle. Les études sur la structure de la végétation permettront d'évaluer l'impact de l'organisation des couverts végétaux sur le cycle des nutriments. Les recherches de terrain et de laboratoire sont couplées à des approches spatialisées de modélisation.

Enfin, des travaux de simulation sont en cours pour prédire la réponse des écosystèmes aux forçages physiques et chimiques de l'atmosphère. Une approche ascendante et progressive, basée sur les mécanismes fins, est utilisée, car on connaît très mal la façon dont s'intègrent la plupart des processus écosystémiques sur des grandes surfaces. Dans une première étape, l'objectif est de coupler les principaux processus fonctionnels (absorption du rayonnement et photosynthèse, transferts hydriques, dynamique des nutriments) dans des modèles de simulation spatialisés. Ceci permettra de tester l'impact de la structure spatiale de la végétation sur les flux d'eau et de carbone. Dans un deuxième temps, on construira à partir de modèles de référence des modèles à résolution spatiale ou temporelle dégradée, pour pouvoir intégrer les mécanismes écologiques des modèles précédents à des échelles plus vastes (long terme et paysage).

Couplage entre flux hydrique et carboné et dynamique à long terme de la végétation

Dynamique du peuplement du palmier Rônier (Borassus aethiopum)

Modèle spatial de la dynamique de Millsonia anomala

Couplage entre flux hydrique et carboné et dynamique à long terme de la végétation

Gousses de Piliostigma thonningii ©Lahoreau

 

Objectifs
1. Identifier et comprendre les mécanismes démographiques suceptibles d'influencer les flux d'eau et de carbone à grande échelle
2. Proposer des méthodes de prise en compte de ces effets dans des modèles régionaux ou globaux ou leur représentation détaillée n'est pas possible

Problématique
1. A court terme, la réponse de la végétation au climat ou à ses changements dépend de processus physiologiques (par exemple, l'augmentation de la photosynthèse liée à l'enrichissement en CO2 atmosphérique)
2. A long terme, la réponse de la végétation au climat dépend de processus démographiques (par exemple, une augmentation de fécondité en réponse à un signal climatique peut induire un changement de composition spécifique des forêts).
3. Dans les systèmes « à couverts épars », ou « à végétation hétérogène » (savanes, friches), représentant 20% des terres émergées, la réponse sera à la fois physiologique et démographique, à cause de la structure spatiale agrégée du milieu.
On a donc besoin de coupler la physiologie et la démographie si l'on veut bien prédire le devenir des milieux à végétation hétérogène.

Dynamique du peuplement du palmier Rônier (Borassus aethiopum)

Les interactions entre plantes (compétition, facilitation), et les interactions entre les plantes et leur environnement physique sont toujours locales. De ce fait, on peut prédire qu'il existe un réseau complexe d'interactions entre la démographie d'une population de plantes, la répartition spatiale des individus qui la composent, et l'hétérogénéité préexistante de l'écosystème. Le but de ma thèse, réalisée au sein du laboratoire "Fonctionnement et évolution des systèmes écologiques" (Paris VI, ENS, CNRS), sous la direction de J.-C. Menaut et Jacques Gignoux , a été de mettre en évidence ce type d'interactions et d'en démêler les mécanismes, avec comme objet d'étude le palmier Rônier (Borassus aethiopum) .
Dans un premier temps, le cycle de vie du Rônier a été décrit, et modélisé à l'aide d'un modèle matriciel. 

Dans un second temps, une analyse exhaustive de la répartition spatiale de la population de Rôniers a été entreprise à l'aide des méthodes de Ripley et de Diggle. Cette analyse a permis de construire un scénario de démographie spatialisée pour le Rônier, qui met en évidence les interactions locales entre les palmiers et les taches de sol riche en nutriments (buttes d'origine termitique et bosquets d'arbres), ainsi que les interactions entre palmiers. Dans un troisième temps, ce scénario a été testé à l'aide de données démographiques tenant compte de la localisation des individus. D'une manière générale, la survie et le recrutement des individus d'une population végétale semblent conditionnés par de petites différences dans la qualité de leurs voisinages qui conduisent à de petites différences de croissance qui s'amplifient au fil des années. Certains paramètres démographiques sont ainsi déterminés par la répartition spatiale des individus au stade considéré, et donc en définitive par la répartition spatiale initiale des graines. 

Modèle spatial de la dynamique de Millsonia anomala

La démographie et la répartition spatiale de la faune du sol dépendent à la fois de facteur démographiques propres (comme la capacité de dispersion, la fécondité, la survie) et de l'hétérogénéité physico-chimique du sol. De plus, la faune du sol rétroagit sur son environnement en modifiant le sol. Cela est en particulier le cas pour les ingénieurs de l'écosystème que sont les vers de terre (Jones et al. 1997 , Lavelle et al. 1997). De part cette boucle de rétroaction, la dynamique d'une population de vers de terre peut être extrêmement complexe. En retour, cela rend difficile la prédiction des variations temporelles et spatiales de l'état du sol (structure, quantité et qualité de la matière organique) sur lequel les vers agissent. Or de telles prédictions sont indispensables pour comprendre certains processus écosystémiques critiques dans le contexte du changement global : le stockage de carbone, la minéralisation, ou l'évolution de la fertilité sur le long terme. Potentiellement, une population de vers de terre peut aider au maintien ou au rétablissement de la structure du sol ou à l'inverse détruire cette structure (Chauvel et al. 1999).
Le but du projet est de construire un modèle spatialement explicite tenant compte de l'hétérogénéité du sol, des détails du cycle de vie des vers de terre, et de leur action sur le sol. Ce modèle et son étude de sensibilité permettra de d'étudier les interactions entre ces trois processus. On répondra en particulier aux questions suivantes :
Dans quels cas l'association vers de terre-sol est stable ? Dans quels cas le système peut-il s'effondrer (disparition locale de l'espèce de ver de terre, ou changement irréversible d'un paramètre du sol)? A quelle vitesse une parcelle peut-elle être envahie après un changement d'usage du sol (déforestation, mise en jachère, mise en culture)? Quels sont les mécanismes minimaux à prendre en compte pour expliquer les répartitions spatiales observées pour les vers de terre?
Le modèle à construire sera un modèle de simulation spatialement explicite. Dans la mesure ou le nombre de vers à prendre en compte pour simuler des parcelles de l'ordre d'un hectare est trop grand pour que le modèle soit individu-centré. L'espace sera divisé en cellules carrées d'environ un mètre carré et le nombre de vers de terre dans chacune de ces cellules ainsi que l'état moyen du sol dans ces cellules seront suivis à chaque pas de temps. Cela constituera donc un automate cellulaire un peu sophistiqué. La dispersion entre cellules sera explicite et sera le seul lien entre les cellules. Dans un premier temps le modèle sera construit de la manière la plus simple possible, en particulier de manière à minimiser le nombre de paramètres : on prendra un pas de temps annuel, un seul stade de vers de terre sera pris en compte, le sol sera décrit par une seule variable. Même ainsi, le modèle comprendra une dizaine de paramètres (survie, fécondité, distance de dispersion, sensibilité du sol à la densité de vers …etc). Cette version du modèle se prêtera à une utilisation théorique basée sur une étude de sensibilité détaillée évaluant l'influence des différents paramètres sur la stabilité du système, les fluctuations temporelles et spatiales de densité de vers.
Le modèle sera paramétré pour une espèce tropicale déjà bien étudiée à Lamto: une espèce tropicale (Millsonia anomala)(Lavelle 1971). La littérature permettra d'évaluer une grande partie des paramètres. Certains paramètres, comme la distance et la fréquence de dispersion (passage d'une cellule à l'autre) sont difficile à évaluer sur le terrain. Ils pourront être évalués indirectement en calibrant le modèle à l'aide de répartitions spatiales et de densités de vers observées sur le terrain : dans quel intervalle doit se trouver le distance de dispersion pour obtenir les répartition spatiales observées ? Les modèles pour ces deux espèces de vers seront complexifiés pour tenir compte des variations saisonnières et des différents stades (cocon, juvénile, adulte). Pour Millsonia le modèle sera basé sur le structure du sol et le fait que cette espèce ingère de petits agrégats qui sont transformés en gros agrégats. Comme elle ne peut pas réingérer ces gros agrégats cela compacte le sol et crée une boucle de rétroaction négative. Le climat, les racines, et d'autres espèces de vers (Eudrilidea) ont tendance à décompacter le sol. Ces facteurs seront d'abord pris en compte comme une constante, dans un deuxième temps on pourra aussi modéliser la dynamique des Eudrilidea, ce qui conduira à l'étude de la stabilité dans le temps et l'espace de l'association sol-vers compactant-vers décompactants.
Des expériences pourront être menées pour mesurer certains paramètres pour lesquels la littérature ne donne pas assez d'indications. Cela se concrétisera par des élevages de vers en bacs. On pourra déterminer quels paramètres démographiques dépendent de la qualité du sol, déterminer si il y a de la véritable densité dépendance (ne passant pas par une modification du sol).

Chauvel, A., M. Grimaldi, E. Barros, E. Blanchard, T. Desjardin, M. Sarrazin, and P. Lavelle. 1999. Pasture damage by an Amazonian earthworm. Nature 398:32-33.
Jones, C. G., J. H. Lawton, and M. Shachak. 1997. Positive and negative effects of organisms as physical ecosystem engineers. Ecology 78:1946-1957.
Lavelle, P. 1971. Etude démographique et dynamique des populations de Millsonia anomala (Acanthodolidae-oligochètes). PhD Thesis. Université des Science, Paris.
Lavelle, P., D. Bignell, and M. Lepage. 1997. Soil function in a changing world: the role of invertebrate ecosystem engineers. European Journal of soil Biology 33:159-193.