Rôle
des composés énergétiques sur la minéralisation
des matières organiques du sol. Conceptualisation, modélisations
expérimentales et conséquences.
Sébastien Fontaine
Doctorant, Laboratoire
d'Ecologie, Paris 6 (France)
Directeur de thèse: Luc Abbadie
Professeur, Laboratoire
d'Ecologie, Paris 6 (France)
Les microbes hétérotrophes du sol sont responsables
à la fois du recyclage de la matière, essentiel à
la dynamique des écosystèmes, et du déstockage
du carbone et des nutriments des sols, lequel peut conduire à
un appauvrissement des sols et à un déséquilibre
de la biosphère. Ce sont donc ces organismes, en interactions
avec les végétaux, qui déterminent les cycles
du carbone et de lazote à léchelle de
la biosphère continentale. Lutilisation de la fertilité
naturelle des sols et la gestion du puits de carbone terrestre passent
par le contrôle des microbes des sols. Les activités
microbiennes sont très dépendantes de la nature biochimique
de la matière organique qui est décomposée.
Les matières organiques des sols sont constituées
par laccumulation des formes les moins dégradables
du carbone. Cest pour cette raison que les activités
microbiennes liées à la décomposition du carbone
du sol ou liées à la décomposition du carbone
frais (litières végétales) peuvent être
dans un rapport de 1 à 2000, et quil est généralement
accepté que les microbes qui décomposent le carbone
du sol sont limités par lénergie disponible.
Paradoxalement, lapport de composés riches en énergie
comme le glucose ou le fructose na pas deffet sur la
minéralisation du carbone du sol. La possibilité dune
stimulation des microbes, qui décomposent le carbone du sol,
engendrée par un apport de carbone frais, phénomène
appelé priming effect en science du sol, est
débattue depuis Löhnis 1926 mais na pas été
démontrée. Dans une revue sur le priming effect et
sur les concepts écologiques qui pourraient être impliqués
dans ce phénomène, nous montrons quun apport
de carbone frais stimule la croissance de microbes qui décomposent
exclusivement le carbone apporté (r-stratégistes).
La stimulation de la décomposition du carbone du sol pourrait
dépendre de la compétition pour lacquisition
de lénergie et des nutriments entre les microbes qui
décomposent le carbone du sol (K-stratégistes) et
les microbes r-stratégistes. En combinant méthodes
isotopiques, analyse des processus du sol et approche écologique,
nous démontrons pour la première fois que le priming
effect se produit réellement dans les sols. Nous démontrons
quil dépend de la compétition microbienne et,
pour cette raison certains composés comme le glucose nont
pas deffet. En utilisant la cellulose comme modèle
de carbone frais, nous démontrons que le priming effect peut
être si intense quil induit un bilan net de carbone
négatif. Finalement, nous montrons que la compétition
microbienne et lintensité du priming effect dépendent
des nutriments disponibles. Il est parfois suggéré
que la pénurie en nutriments favorise laccumulation
de carbone dans les sols en ralentissant la décomposition
des litières. Nous démontrons que ce ralentissement
est de courte durée et quune pénurie en nutriments
conduit à des pertes dramatiques du carbone du sol par le
priming effect. Ceci indique que le stockage du carbone ne peut
plus être vu comme un processus additif et que le turnover
du carbone du sol dépend dinteractions entre les litières
et le carbone du sol sous le contrôle des microbes. Nos résultats
questionnent la capacité des écosystèmes à
séquestrer le CO2 anthropique.
|
Titre
Virginie Tavernier
Doctorante, Laboratoire
d'Ecologie, Paris 6 (France)
Directeur de thèse: Luc Abbadie
Professeur, Laboratoire
d'Ecologie, Paris 6 (France)
Cette thèse examine les rapports entre végétation
et fonctionnement microbien du sol. Deux situations modèles
ont été choisies pour explorer cette question à
différentes échelles : l'échelle de la plante,
l'échelle sol-plante, l'échelle du couvert végétal.
Une première situation en Côte d'Ivoire (station de
Lamto) a permis d'étudier le métabolisme azoté
d'Hyparrhenia diplandra, graminée pérenne en touffe
majoritaire dans la savane de Lamto. Cette espèce présente
deux écotypes associés à des sites à
niveaux contrastés de nitrification: un potentiel de nitrification
élevé (site HN) et un site à nitrification
très faible (site LN). Dans le site HN, la production du
couvert est bien moindre qu'en site à forte nitrification.
Pour expliquer cette différence de production, on suppose
que la production de nitrate, sujet à une lixiviation plus
importante, est préjudiciable à la nutrition azotée
de la plante, par rapport au site LN. Un premier objectif de ma
thèse a été d'examiner si les plantes de chacun
de sites avaient développé un métabolisme azoté
adapté à la forme d'azote minéral présente
-nitrate ou ammonium. Des mesures d'activités enzymatiques
(GS, NR, GDH) et divers indicateurs du métabolisme azoté
ont infirmé cette hypothèse : les écotypes
ne présentent pas de différences majeures au niveau
du métabolisme azoté.
A l'échelle du système sol-plante, la thèse
s'est focalisée sur l'effet de la densité racinaire
sur le devenir de l'azote minéral. L'hypothèse est
qu'à de fortes densités racinaires, la plante devient
indépendante du sol pour assurer sa nutrition azotée,
en utilisant l'azote provenant de la décomposition de ses
racines (la litière racinaire). La même Hyparrhenia
diplandra a permis de démontrer, par analyse marquage 15N
naturel, qu'à densité racinaire plus forte, les racines
représentent une part plus importante de l'azote de la plante,
par rapport à de faibles densités racinaires. Cette
propriété permettrait d'expliquer la forte production
des graminées pérennes en touffe en zone de savane,
où l'azote du sol est pourtant considéré comme
une ressource rare.
A l'échelle du couvert végétal, l'objectif
était de montrer qu'en fonction de la densité racinaire
le fonctionnement microbien était différent. J'ai
choisi un couvert de graminées annuelles (Pennisetum pedicellatum)
et un couvert de graminée pérenne (Andropogon gayanus).
Andropogon gayanus présente des densités racinaires
très importantes, en particulier à l'aplomb de la
touffe, par rapport aux graminées annuelles, aux systèmes
racinaires très diffus. J'ai démontré qu'à
ces deux couverts étaient associés deux fonctionnements
microbiens contrastés, avec une production d'azote minéral
essentiellement sous forme d'ammonium sous pérennes, et majoritairement
sous forme de nitrate sous annuelles. Bien que différents
processus peuvent expliquer ces différences de forme majoritaire
d'azote produite, l'hypothèse d'une compétition plus
forte entre plante et microorganismes nitrifiants est privilégiée.
Ainsi, l'agrégation des racines en zones de savane est une
adaptation forte du couvert végétal au déficit
en azote. Elle permettrait d'augmenter la conservation de l'azote
(forme ammonium préférentiellement au nitrate), d'améliorer
la compétitivité des plantes pour l'accès à
l'ammonium ar rapport aux microorganismes nitrifiants, d'assurer
à la plante pérenne une autosuffisance par rapport
à l'azote par accumulation (racines) et recyclage de sa litière
racinaire. Ces mécanismes permettraient ainsi d'améliorer
la production et, par conséquent, la pérennité
de l'espèce dans l'écosystème.
|